Aujourd’hui, 1,6 million d’enfants vivent dans une famille recomposée. Avec un beau-parent qui s’est invité et investi (parfois) sur le tard, après une séparation. Un adulte dont les droits et devoirs ne sont pas définis. Le gouvernement a mis au point une réforme pour lui donner un «statut». C’était déjà, l’an dernier, l’une des missions confiées à Xavier Bertrand par Nicolas Sarkozy qui souhaitait «soutenir et aider toutes les familles, sans exclusion, pourvu qu’elles soient des lieux de repères affectifs et moraux». Depuis, le chantier a avancé. L’avant-projet de loi qui circule depuis vendredi, et que Libération a consulté, explore plusieurs pistes qui changeront le quotidien de ces familles.
Divorce, séparations, nouvelles configurations familiales: ce texte prend acte des changements qui ont bouleversé les foyers. Aujourd’hui, l’enfant «plus qu’hier» est entouré «de tiers, parents ou non: grands-parents, oncles ou tantes, beaux-parents, demi-frères, demi-sœurs.. Ces tiers peuvent intervenir dans la vie de l’enfant voire partager son quotidien et nouer avec lui des liens étroits et durables». Même si ce n’est volontairement pas écrit noir sur blanc, les familles homoparentales sont prises en compte. «Le projet de loi entend en laissant aux parents et aux principes gouvernant l’autorité parentale toute leur place, faciliter l’intervention des tiers dans la vie de l’enfant», peut-on lire dans l’exposé des motifs. Comment ?
Aujourd’hui, pour aller chercher à l’école ou emmener à une visite médicale un enfant qui n’est pas le sien, le beau-parent (ou autre tiers) doit faire établir un mandat du parent l’y autorisant. Mais ces actes «juridiquement possibles» ne sont pas assez précisément explicités dans la loi, explique le texte.
Education. Le projet propose de «donner une base légale claire aux actes usuels effectués par un tiers et autorisé par un des parents». Voilà pour la vie courante. Les deux parents pourront également se mettre d’accord et autoriser ensemble un tiers à effectuer les actes plus importants (touchant à l’avenir de l’enfant : santé, éducation, droits fondamentaux). Depuis 2002, et la réforme initiée par Ségolène Royal, l’autorité parentale peut être partagée entre un parent et un tiers (membre de la famille, proche digne de confiance), «lorsque les circonstances l’exigent». De nombreux couples homos s’en sont servi en justice pour sécuriser les liens du deuxième parent, «le parent social», sans lien biologique avec l’enfant. Mais, note le gouvernement, «la lourdeur des modalités de cette procédure en limite l’usage». L’avant-projet propose «une solution souple». Les parents pourront déléguer l’autorité parentale à un autre sous la forme d’une simple convention homologuée chez le juge aux affaires familiales. Le texte prévoit aussi le maintien des liens entre l’enfant et celui qui l’a en partie élevé, en cas de séparation. Le juge pourra par exemple anticiper la désignation d’un tiers auquel sera confié l’enfant en cas de décès de l’un des deux parents. Ce tiers peut être «parent ou non, selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant».
Sur le carreau. Le gouvernement s’est largement inspiré du travail de Dominique Versini, défenseure des enfants sur le statut du tiers. «L’esprit est plutôt bon», analyse d’ailleurs Alain Piriou, le représentant de l’Inter-LGBT (associations lesbiennes, gais, bi et trans) reçu vendredi à la chancellerie lors d’une réunion de travail avec les cabinets de Rachida Dati (Justice), Xavier Bertrand (Travail) et Nadine Morano, ministre de la Famille. Deux propositions demandées par les associations sont toutefois restées sur le carreau. Autoriser l’adoption simple au sein d’un couple (de simples conjoints ou de pacsés) selon les mêmes modalités que pour un couple marié (c’est-à-dire sans l’abandon obligatoire de l’autorité parentale). Transformer le congé de paternité en un congé d’accueil de l’enfant ou «congé de parentalité» (qui pourrait ainsi s’appliquer aux couples de lesbiennes). Nadine Morano, réputée «gay friendly», y est pourtant personnellement favorable. Et pour cause : les deux mesures figurent en annexe au très officiel rapport de la mission d’information sur la famille, rendu en 2006 à l’Assemblée nationale, dans une contribution signée de sa main.